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28 Janvier 2023

Les inégalités d’accès aux soins : un problème pas si simple

CILLARD Rozenn
Porte-parole
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Face aux départs à la retraite de masse auxquels est confrontée la profession médicale depuis plusieurs années, les inquiétudes de la population ainsi que des élus locaux vont en grandissant.

Pour certains, la solution semble toute tracée : une régulation de l’installation des jeunes médecins, qui permettrait selon eux de garantir une présence médicale homogène sur l’ensemble des territoires. Mais la suppression de la liberté d’installation des médecins permettrait-elle vraiment de résoudre les difficultés d’accès aux soins connues par certains patients ?

Dans les débats sur la question, le terme “désert médical” est souvent évoqué, mais en mai 2017, le rapport de la DREES montrait que ce terme ne connaissait pas de définition.

Un premier problème existe donc : comment objectiver la réalité des inégalités d’accès aux soins ?

Si dans ce cadre la comparaison entre plusieurs territoires peut être facile (une zone A avec un nombre de médecins par habitant plus important que sur une zone B), elle est pourtant erronée. Le vrai problème n’est pas d’avoir une densité médicale égale ou non d’un bassin de vie à l’autre : c’est l’inadéquation entre les besoins de santé de la population et les réponses que peuvent leur apporter les professionnels au sein d’un même territoire.

Actuellement, c’est le meilleur indicateur dont nous disposions pour évaluer la problématique, cependant, d’autres paramètres que ceux compris dans ce calcul peuvent influer sur les inégalités d’accès aux soins : l’échelle géographique d’observation, la situation sociale de la population (la littérature ayant montré qu’à âge et état de santé comparables, les plus pauvres avaient recours plus fréquemment aux médecins généralistes que les plus riches, ce qui provoque un creusement des inégalités en Seine-Saint-Denis et une diminution dans l’Ouest parisien), les infrastructures du territoire (prise en compte de multimodalité des transports pour se rendre chez son médecin)...

Face à la raréfaction de l’offre de soins, les territoires ne sont donc pas égaux, ne souffrent pas des mêmes fragilités (âge des patients, pathologies…).

En s’intéressant aux remontées du terrain, on se rend compte qu’aucune région n’est épargnée par cette problématique : la majorité du territoire français est un désert médical.

Et qu’en est-il du côté des médecins ?

Lorsque s’intéresse à la répartition des médecins sur le territoire, on constate que celle-ci n’a pas évolué depuis les années 1980. Ce qui a changé, ce sont les besoins de santé croissants de la population, face à une offre médicale qui se raréfie. En cause, un numérus clausus instauré dans les années 1970, et progressivement diminué jusque dans les années 1990, provoquant un creux démographique générationnel dont nous ressentons actuellement les effets.

Expérimentée dans certains pays étrangers où elle était parfois considérée comme solution miracle, la régulation à l’installation a finalement montré son impuissance à répondre totalement aux difficultés d’accès aux soins, quand elle n’a pas entraîné une aggravation de la situation (diminution de l’attractivité du métier, fuite des professionnels…).

Face à la complexité de la situation, jeunes et futurs professionnels de santé se sont penchés sur la question, et plébiscitent aujourd’hui un ensemble de mesures visant à revaloriser la médecine de ville, en axant par exemple sur la formation (développement des stages en libéral, formation au management et à la gestion, afin rendre l’épouvantail administratif de l’installation en libéral moins dissuasive).

A l’heure des prises de parole électoralistes et des propositions hasardeuses, il est plus que jamais nécessaire de se pencher ensemble, professionnels, décideurs politiques et citoyens,  sur le fond de la question, afin de soulever précisément les éléments en jeu et d’affiner les actions à mener.

Contact ANEMF

CILLARD Rozenn, Porte-parole

1ervp@anemf.org

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