Selon la classique définition qu’en donne l’OMS, l’interprofessionnalité est « un apprentissage et une activité qui se concrétisent lorsque des spécialistes issus d’au moins deux professions travaillent conjointement et apprennent les uns des autres au sens d’une collaboration effective qui améliore les résultats en matière de santé ». La collaboration entre les professionnels de santé est ainsi essentielle à la prise en charge des patients pour leur garantir une qualité et une sécurité des soins fournis. Elle doit également s’étendre aux champs du médico-social et du social afin d’éviter la perte d’information entre les différentes sphères et interlocuteurs.
Pour accélérer cette interprofessionnalité, le numérique est devenu indispensable. Il faut aujourd’hui poursuivre les travaux de régulation de la e-santé en posant les cadres et les bonnes pratiques, particulièrement en termes de sécurité et d’interopérabilité pour faciliter le partage fluide et sécurisé des données de santé entre professionnels et usagers.
L’Interprofessionnalité
L’ensemble des professionnels disposent d'une expertise précise dans leur domaine d’activités. Le pharmacien est lui expert du médicament et des produits de santé, il a donc un rôle primordial à jouer dans cette coordination. Véritable professionnel de santé de proximité, il accompagne le patient dans les différentes étapes de son parcours de soins. De fait, c’est également l’acteur de référence pour alerter les autres professionnels intervenant dans sa prise en charge.
L’ambition de la stratégie Ma Santé 2022 est de transformer le système de santé en réorganisant les parcours de soins en ville mais aussi en améliorant la coordination entre les professionnels de santé. 3 axes ont ainsi été établis pour développer l’interprofessionnalité dans notre système de santé et notamment celui du déploiement et de la promotion de la santé numérique.
L’apport du numérique à l'interprofessionnalité.
La transformation numérique de notre système de santé est devenue aujourd’hui incontournable, représentant un atout majeur pour favoriser et améliorer la coordination entre les professionnels de santé. Ces solutions innovantes permettent aussi de lutter contre la fracture ville-hôpital, de favoriser les innovations thérapeutiques et de rendre le patient acteur de sa santé.
Le Ségur du Numérique en Santé prévoit la généralisation du partage fluide et sécurisé des données de santé entre professionnels pour mieux prévenir et mieux soigner. Les outils proposés aux professionnels de santé doivent donc être simples d’utilisation, interopérables et sécurisés pour les aider dans leur pratique quotidienne et optimiser leur temps de travail. En effet, en tant que données sensibles, ces solutions mises à disposition des professionnels de santé doivent être protégées. Les transferts et les échanges réalisés sont donc sécurisés et permettent alors de protéger la responsabilité des professionnels habilités à les utiliser.
Le Dossier Médical Partagé (DMP)
Le Dossier Médical Partagé (DMP) est le carnet de santé numérique national du patient permettant de stocker et de regrouper dans un lieu unique ses données et documents de santé (résultats d’examens, résultats de biologie, imagerie médicale, prescription médicamenteuse,...) de façon sécurisée. Le patient peut partager l’ensemble de ces informations avec les professionnels de santé de son choix.
Le DMP permet de faciliter l’échange de données autour du patient, c’est un véritable outil de coordination entre les professionnels. Il permet de faciliter le suivi des patients et de garantir la continuité des soins. Les professionnels de santé ayant accès au DMP de leur patient pourront ainsi avoir accès à :
- L’historique de soins du patient des 12 derniers mois
- Ses antécédents médicaux
- Ses résultats d’examens et comptes rendus d’hospitalisations
- Les coordonnées de ses proches en cas d’urgence
- Les directives anticipées pour sa fin de vies
Source : France Assos Santé
Messagerie Sécurisée de Santé (MSSanté)
La Messagerie Sécurisée de Santé (MSSanté) est un système de messagerie réservé aux professionnels de santé, aux professionnels habilités mais aussi aux usagers de “Mon Espace Santé”.
Mon Espace Santé est un service sécurisé mis à disposition de chaque citoyen dès 2022, permettant à chacun de stocker et partager des données de santé et des documents. Il sera notamment composé de quatre fonctionnalités : le DMP, une MSSanté, l’agenda-santé et le catalogue de services numériques de santé. L’objectif de ce nouveau service est de rendre l’usager acteur de sa santé et de sécuriser son parcours de soins.
La MSSanté s’appuie sur différents référentiels et notamment sur l'Annuaire Santé, regroupant les professionnels enregistrés par leur autorité compétente. Ils forment une communauté fermée d’utilisateurs identifiés. Ce référentiel va s’étendre et inclure des professionnels des secteurs social et médico-social. Ils pourront donc également disposer d’une messagerie sécurisée de santé.
Programme E-parcours et plateformes de coordination
Un des enjeux du numérique en santé est la transformation numérique des parcours de santé des patients. Ainsi le programme “E-parcours” décrit dans la feuille de route du numérique en santé prévoit de mettre à disposition des professionnels des outils de coordination permettant de faciliter la prise en charge des patients complexes.
Ces plateformes se destinent notamment aux acteurs de la coordination comme les Dispositifs d’Appui à la Coordination (DAC) ou encore les collectifs de soins et notamment les Communauté Professionnelles Territoriale de Santé (CPTS) et les groupements pluriprofessionnels en expérimentation “article 51”.
Télémédecine : Téléexpertise
La téléexpertise fait partie des cinq actes décrits dans la télémédecine. Elle se définit comme “permettant à un professionnel de santé de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs confrères en raison de leurs compétences particulières via le numérique.” Un des objectifs du ségur est d’accélérer le recours à la téléexpertise.
Différents patients sont concernés par celle-ci, il s’agit notamment des patients souffrant d’affections de longue durée (ALD), où le protocole de soins est souvent élaboré en concertation pluriprofessionnelle, et des patients atteints de maladies rares pour établir le diagnostic. Mais il peut s’agir également des résidents en Ehpad ou en structures médico-sociales. Par ailleurs, la téléexpertise concerne aussi les patients résidants en zone de désert médical.
Comme en témoigne notre contribution “Le Numérique au service de l'exercice pharmaceutique” publiée en 2021, le pharmacien d’officine étant un professionnel de santé spécialiste du médicament et de son bon usage : “il est un acteur incontournable dans le parcours de soins des patients notamment pour ceux atteints de maladies chroniques, afin de renforcer cette interprofessionnalité le recours du pharmacien à la téléexpertise doit être facilité et renforcé”.
L’Article 51
Définition
Dispositif législatif introduit par la LFSS 2018, l’article 51 “Innovation en santé” a pour ambition de mettre en place des expérimentations innovantes en matière d’organisation et de financement inédits en santé. Il permet aux acteurs de santé de déroger aux nombreuses règles de financement de droit commun et d’organisation que l’on retrouve en ville comme en établissement hospitalier ou médico-social.
De fait, ce dispositif contribue à la transformation des métiers du soin.
Plusieurs porteurs de projets (associations d’usagers, établissements de santé publics ou privés, fédérations et syndicats, professionnels de santé, startups, ou encore certaines collectivités territoriales) innovent ainsi dans ces 2 domaines précis, tout en respectant plusieurs autres critères et conditions.
Pour être accepté, un projet Article 51 doit :
- Présenter un caractère innovant justifiant une dérogation au cadre financier ou organisationnel.
- Démontrer un modèle économique efficient, c’est-à-dire qu’il doit permettre une amélioration de la qualité de la prise en charge et induire une réduction des dépenses de santé.
- Démontrer une faisabilité opérationnelle.
- Enfin, il doit pouvoir être reproductible à grande échelle.
Source : ARS Île-de-France
3 ans après, 90 expérimentations ont été autorisées sur l’ensemble du territoire, représentant plus de 420 millions d’euros, selon le ministère de la Santé en juin 2021. Pour la région Ile-de-France seule, c’est près de 150 000 patients concernés avec pour les ¾ des expérimentations des patients pris en charge en ville.
L’implication de Synapse Medicine.
Le concept d’interprofessionnalité est au cœur de ce dispositif et c’est pour Synapse Medicine, start-up spécialisée dans le bon usage du médicament, l’opportunité de mettre la technologie d’intelligence artificielle au service de la pharmacie clinique au sein du projet article 51 “Thérapies orales, suivi à domicile des patients sous anticancéreux oraux.”. En effet, les effets iatrogènes peuvent être très importants en matière de chimiothérapie orale, il est donc primordial que le suivi du patient soit renforcé et coordonné entre le pharmacien d’officine et la PUI de l’hôpital. Par ailleurs, la digitalisation du parcours de soin amenée par la solution numérique de Synapse Medicine permet d’aller encore plus loin dans l’approche patient-centrée.
Les porteurs de projets en région Auvergne Rhône-Alpes sont les Hospices civils de Lyon, les établissements du réseau ONCORAL et Unicancer. Synapse Medicine allie son expertise avec l’Institut Bergonié, Centre de Lutte contre le Cancer (CLCC), mais aussi l’AP-HP, les Hospices Civiles de Lyon ou encore l’Institut Gustave Roussy. Ce projet a été autorisé par le Ministère des Solidarités et de la Santé le 30 novembre 2020. Aujourd’hui, 45 sites en France sont concernés.
Une fois que le pharmacien hospitalier contacte le pharmacien officinal et l’informe de l’entrée du patient dans le dispositif Article 51, le parcours de soin est découpé en 3 séquences avec l’intervention du pharmacien d’officine comme acteur clé.
Source : Dossier de presse URPS Pharmaciens AuRA / Juin 2021
Conclusion
On assiste donc à un véritable transfert de compétences vers la prise en charge en ville, passant par un circuit pluriprofessionnel. En fédérant un ensemble de professionnels de santé autour d’intérêts communs, l’interprofessionnalité permet de mutualiser les expertises. Sa croissance, essentielle à l’optimisation de la prise en charge des patients, nécessite des supports numériques solides permettant la sécurisation du transfert, du partage et du stockage des données de santé.
Contact Maëlys Jégu & Feyriel Bouaraba Task Force Numéric’action REGNIER Eliza
VP Numérique
numerique@anepf.org | 06 16 20 00 33